Balade
dans Montpellier...
Une
cité entre tradition et modernité
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Georges
Frêche, Président de le Région Languedoc-Roussillon, analyse « La
Dégelée Rabelais » en ces termes : « [...] François
Rabelais fait partie de la mémoire collective et l’art contemporain
nous aide à voir le monde dans toute la richesse littéraire de cet
homme engagé qu’était cet écrivain. « La dégelée Rabelais »
va à la rencontre de thèmes exploités par l’auteur et qui font sens
encore aujourd’hui : permettre à des personnes souvent éloignées
des préoccupations de l’art contemporain, de se rapprocher de ce
domaine pour échanger, discuter et surtout libérer la parole. « La
dégelée Rabelais » est l’occasion de montrer la richesse artistique
du territoire, et plus largement, de donner à voir le meilleur de
la création contemporaine.
L’imaginaire
de Rabelais a à voir avec ce qui est enfoui au fond des êtres. Ce
fond est comme une « dégelée », violent. Mais, de même
que le sens du mot est oublié ou ignoré, cette violence se transforme,
par un léger malentendu, en un « dégel », un printemps
nouveau, une fête de la communauté... C’est également la raison
pour laquelle un grand moment, festif et culturel, nous réunira
le 28 juin dans les jardins du Peyrou à Montpellier, autour
d’un immense banquet. »
Extrait
de l'interview d'Emmanuel Latreille, Directeur du FRAC Languedoc-Roussillon
dans "dites-nous".
Le
banquet du 28 juin 2008
La
ville surchauffée (il fait 33 degrés à l'ombre) est
couverte d'affiches annonçant le festin gargantuesque
promis par le Président de l'Agglomération.

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Hé bien, nous
y sommes ! À travers les grilles du Peyrou nous
distinguons les nombreuses tentes des restaurateurs.

Louis
XIV, affublé pour la circonstance d'une toque de maître
queux,
a cependant toujours fière allure.
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Sous les arbres du Peyrou,
le banquet se
termine et la troupe "Los Mercatores" donne une
aubade. Ils se disent "marchands ambulants
du Moyen-âge" et arrivent tout droit du Puy en
Velay.

Les
revoilà, tambour et tambourin en main. La vieille sorcière, qui vend
quelques colifichets, usurpe le nom épique de Gargamelle. Elle
a du mal à marcher et c'est avec hésitation
qu'elle enjambe le passage de câbles tout en grommelant entre ses dents
gâtées et sur un ton sépulcral : "Garrrgameeeelle, siii tuuu veeeux
!"

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Quittons
le Jardin Royal du Peyrou pour l'esplanade Charles De
Gaulle où, dans le cadre de Montpellier Danse 2008, RCF
Maguelone offre un spectacle très réussi de danses populaires
et folkloriques.

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Quelques
instants plus tard, une jeune fille entame une danse indienne. La danse terminée,
ma femme et moi laissons avec regret cette fête populaire pour nous
attabler un peu plus loin et prendre un rafraîchissement.
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Après
quoi, une visite à Sainte Anne s'impose...
Historique
de l'église Sainte Anne
Un
exemple d'intervention urbanistique au XIXe siècle
: l'insertion de l'église Sainte Anne dans le tissu
urbain montpelliérain, par Mireille Lacave.
Nous
sommes au milieu du XIXe siècle, après maintes tergiversations
et péripéties historiques, l'église Sainte Anne est
reconstruite, en partie grâce à une souscription lancée
par le curé de l'époque, l'abbé Sabatier.
La
première pierre est posée en grande pompe en 1866, l'édifice
est achevé en 1872, dans un style néogothique, inspiré
au XIIIe siècle cher à Viollet-le-Duc. Ce dernier
fut d'ailleurs consulté, comme le furent Haussmann et
Baltard pour la restructuration de cette partie de la
ville qui s'étend de la place de la Comédie aux Jardins
du Peyrou.
La
révolution industrielle, l'avènement de la bourgeoisie
comme classe dominante, la population en continuelle
augmentation, l'obligation d'élargir les voies de communication
entre les différentes artères de la cité, amenèrent
le Maire protestant et bonapartiste, Pagezy, à une reconstruction
du centre ville, faisant du modèle parisien, le modèle
absolu.
L'église
Sainte Anne domine alors de ses soixante cinq mètres
du clocher, un quartier qui échappe à toute logique
géométrique et qui garde son essence populaire. Boutiquiers,
artisans, maraîchers, commères, midinettes, prostituées,
musiciens gitans, soldats, voire même bourgeois voisinent,
la faconde méridionale créant le lien.
Les
soirs d'été tout ce monde se retrouve sur les trottoirs,
fuyant, pour la plupart, des appartements vétustes et
exigus. Le tout est ponctué par des fêtes, des bals,
des processions dont la plus belle, la Fête Dieu ne
disparaît qu'aux environs de 1960.
Extrait
de "Montpellier naguère" édition Payot 1981,
par Mireille Lacave.
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Le
placard ci-dessus, posé sur une chaise au fond de l'accueil,
introduit l'église Sainte Anne à...
La
dégelée Rabelais du 6 juin au 28 septembre 2008.
Sous le signe de Pantagruel.

Sainte
Anne et Marie fillette.
J'entre dans
l'église,
côté rue Sainte Anne, et j'aperçois...
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Pantagruel
: "Ha, Panurge, où es-tu ?" Ce
que ouyant, Panurge dict au roy et aux géans
: "Par Dieu ! Ilz se feront mal, qui
ne les départira." Mais les géans estoient
aises comme s'ilz feussent de noces. Lors
Carpalim se voulut lever de là pour secourir
son maître ; mais un géant luy dist : "Par
Golfarin, nepveu de Mahom, si tu bouges
d'icy, je te mettray au fond de mes chausses,
comme on faict d'un suppositoire ! Aussi
bien suis-je constipé du ventre et ne peulx
gueres bien cagar, sinon à force de grincer
les dentz."
Puis
Pantagruel, ainsi destitué de baston, reprint
le bout de son mast, en frappant torche
lorgne dessus le géant ; mais il ne luy
faisoit mal en plus que feriez baillant
une chicquenaude sus un enclume de forgeron.
Cependent
Loup Garou tiroit de terre sa masse, et
l'avoit jà tirée et la paroit pour en férir
Pantagruel, qui estoit soubdain au remuement
et déclinoit tous ses coups, jusques a ce
que une foys, - voyant que Loup Garou le
menassoit, disant : "Meschant, à ceste
heure te hascheray-je comme chair à pastez
; jamais tu ne altéreras les pauvres gens
!" - Pantagruel le frappa du pied un
si grand coup contre le ventre, qu'il le
getta en arrière à jambes rebindaines, et
vous le trainnoyt ainsi a l'escorchecul
plus d'un trait d'arc.
Rabelais,
Pantagruel, chapitre 29.
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Et
parce que en ce propre jour nasquit Pantagruel,
son pere luy imposa tel nom : car panta
en grec vault autant à dire comme tout et
gruel en langue Hagarene vault autant comme
altéré, voulent inférer que a l'heure de
sa nativité le monde estoit tout altéré,
et voyant en esprit de prophétie qu'il seroit
quelque jour dominateur des altérez, ce
que luy fut monstré a celle heure qui lui
fut montré a ce moment même par un autre
signe plus évident.
Car,
alors que sa mere Badebec l'enfantoit et
que les saiges femmes attendoyent pour le
recepvoir, yssirent premier de son ventre
soixante et huit tregeniers, chascun tirant
par le licol un mulet tout chargé de sel,
après lesquelz sortirent neuf dromadaires
chargés de jambons et langues de beuf fumées,
sept chameaulx chargés d'anguillettes, puis
XXV charretées de porreaulx, d'aulx, d'oignons
et de cibotz ce que espoventa bien lesdictes
saiges femmes. Mais les aulcunes d'entre
elles disoyent : "Voicy bonne provision.
Aussy bien ne bevyons-nous que lâchement,
non en lancement. Cecy n'est que bon signe,
ce sont aguillons de vin."
Et,
comme elles caquetoyent de ces menus propos
entre elles, voicy sortir Pantagruel, tout
velu comme un ours, dont dist une d'elles
en esperit prophéticque : "Il est né
à tout le poil, il fera choses merveilleuses,
et s'il vit, il aura de l'eage."
Rabelais,
Pantagruel, chapitre 2.
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Pantagruel, le
cracheur de sel, face à Loup Garou, le géant. Il aveugle son ennemi
avec sa salive salée toute bleue sous le doux éclairage des
beaux vitraux de Sainte Anne.
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Loup
Garou est au fond de l'église, énorme bibendum vert (de peur), gonflé par une
arrivée d'air sous pression courant le long du carrelage. Il vient
d'être aveuglé par le sel de la salive bleue de Pantagruel. Cela
se voit très bien sur le cliché de droite où la baudruche aux énormes
dents n'a plus d'yeux.

Les
bœufs dévorés par le tout jeune Pantagruel.
Il n'en a laissé que les têtes !
À
gauche, de
Daniel Spoerri "Carnaval des Animaux. Figure humaine comparée
avec celle du bœuf".
À droite, le spectre chevelu de l'artiste catalan Javier Pérez intitulé "Máscara ceremonial"
(1998).

Entre les
dépouilles
de la licorne et du lion ("Gloriosus-La licorne et le lion du Royaume Uni" par Renaud
Auguste-Dormeuil, 2004)...

...
et les mandibules menaçantes de Loup Garou, un panneau multicolore de
Salvador Dali "Les songes drolatiques" (1973) éclairé
par une rangée de vitraux. À droite, l'un des tableaux présentés...

...
et d'autres tout aussi extravagants...

... ou
déconcertants. L'imaginaire débordant d'un peintre visionnaire de
grand talent !

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retour
à l'accueil

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Au
cours d'un nouvel et terrible assaut dans la bataille qui oppose
Pantagruel à Loup Garou, un
énorme jet de salive bleue très salée me fait prendre la fuite.
Epouvanté, je sors précipitamment par la porte latérale,
sans demander mon reste.

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