Balade dans Montpellier...

Une cité entre tradition et modernité

 

 

   

Mardi 21 octobre 2008. La grande croix se dresse à quelques pas de la place Leroy-Beaulieu. J'emprunte la rue du Faubourg du Courreau toute proche puis, en suivant le panneau indicateur, la rue de la Merci. L'horloge d'un magasin indique qu'il est 18 heures 25. Je me dépêche.

 

    

La rue de la Merci encombrée de voitures en stationnement quasi permanent. Au loin, le drapeau aux trois couleurs flotte au vent sur l'arc de triomphe. L'église Sainte Eulalie a déjà ouvert ses portes.

 

 

Je prends le temps de photographier l'affichette placardée sur la façade.

 

 

 

   

« Venez et voyez ». Cette invite me conforte dans mon désir de visiter cette église dont la construction remonte à 1740 et qui s'est mise sous la protection d'une sainte Espagnole. J'ouvre la porte latérale. Des tableaux retraçant le chemin de croix sont alignés le long du passage de chaque côté du tambour.

 

Très classiquement, l'orgue prend place au-dessus de la porte. La tribune est soutenue par un arc en panier prenant appui sur les piliers des bas-côtés.

 

 

 

   

À gauche, la chapelle du Saint Esprit. Représenté sous la forme rituelle d'une colombe blanche, le Saint Esprit illumine le baptistère. À droite, la chapelle dédiée à saint Pierre.

 

 

La chapelle de la Vierge Marie tenant en main
une sorte de fléau.

 

Un bas-relief représentant la cène décore un bel autel en marbre. De chaque côté, dans une niche, une statuette surmontée d'un texte en latin « Domine verba vitae œternae habes » extrait de l'évangile selon saint Jean (VI, 69).

Question de saint Jean à Jésus : Seigneur, à qui irions-nous ? Vous avez les paroles de la vie éternelle.

 

   

 

L'autel est éclairé par un magnifique vitrail qui orne le plafond. Les chaudes couleurs rouge et jaune font ressortir les fines striures grises sur fond blanc ressemblant aux nervures des ailes de papillons.

 

 

 

 

 

 

 

Le tabernacle en marbre très décoré de fresques finement ouvragées est encadré de deux anges déroulant une banderole sur laquelle figure la mention latine : « SIC VENIET » pour celui de gauche et « SVRREXIT » pour celui de droite. Ce qui signifie « Il viendra ressuscité ».

 

Le même texte est chanté pour Pâques : « Svrrexit Christvs verei. Allelvia ! In excelsis ei gloria sit heri - hodie - semperi ! »

Il peut se traduire par : « Le Christ est vraiment ressuscité. Alléluia ! Gloire à Lui dans les Cieux hier - aujourd'hui - toujours ! »

 

 

   

Une grande et belle statue de sainte Eulalie sur son piédestal. Sainte Eulalie compte parmi les martyrs les plus célèbres de l'Espagne antique. Elle fut martyrisée à l'âge de 14 ans et mise à mort en 304. À l'instant de sa mort, une colombe sort de sa bouche, « c'était l'âme d'Eulalie, blanche comme le lait, allègre et innocente ». Malgré sa jeunesse, elle montra un courage et  une force inébranlable face à ses persécuteurs.  Sainte Eulalie est célébrée le 12 février. Elle est invoquée pour les accouchements. (Texte d'après le feuillet de l'église Sainte Eulalie)

 

La Cantilène de sainte Eulalie (1)

 

 

Transcription du manuscrit du XIIe siècle

Traduction française

                                                         

Buona pulcella fut Eulalia.

Bel avret corps, bellezour anima.

Voldrent la veintre li Deo inimi,

Voldrent la faire diaule servir.

Elle no'nt eskoltet les mals conselliers

Qu'ellle De o raneiet, chi maent sus en ciel,

Ne por or ned argent ne paramenz

Por manatce regiel ne preiement.

Niule cose non la pouret omque pleier

La polle sempre non amast lo Deo menestier.

E por o fut presentede Maximiien,

Chi rex eret a cels dis soure pagiens.

Il li enortet, dont lei nonque chielt,

Qued elle fuiet lo nom chrest iien.

Ell'ent adunet lo suon element:

Melz sostendreiet les empedementz

Qu'elle perdesse sa virginitét;

Por os furet morte a grand honestét.

Enz enl fou lo getterent com arde tost.

Elle colpes non avret, por o nos coist.

A czo nos voldret concreidre li rex pagiens.

Ad une spede li roveret tolir lo chieef.

La domnizelle celle kose non contredist:

Volt lo seule lazsier, si ruovet Krist.

In figure de colomb volat a ciel.

Tuit oram que por nos degnet preier

Qued auuisset de nos Christus mercit

Post la mort et a lui nos laist venir

Par souue clementia.

                                                       

Eulalie était une bonne jeune fille.

Elle avait le corps beau et l'âme plus belle encore.

Les ennemis de Dieu voulurent la vaincre;

Ils voulurent lui faire servir le Diable.

Elle n'écoute pas les mauvais conseillers

qui lui demandent de renier Dieu qui demeure au ciel là-haut,

Ni pour de l'or, ni pour de l'argent, ni pour des bijoux

Ni par la menace ni par les prières du roi.

Rien ne put jamais la faire plier ni amener

La jeune fille à ne pas aimer toujours le service de Dieu.

Et pour cette raison elle fut présentée à Maximien

Qui était en ces temps-là le roi des païens.

Il lui ordonna, mais peu lui chaut,

De renoncer au titre de chrétienne.

Elle rassemble sa force.

Elle préfère subir la torture plutôt

Que de perdre sa virginité.

C'est pourquoi elle mourut avec un grand honneur.

Ils la jetèrent dans le feu pour qu'elle brûlât vite.

Elle n'avait pas commis de faute, aussi elle ne brûla point.

Le roi païen ne voulut pas accepter cela.

Avec une épée, il ordonna de lui couper la tête.

La jeune fille ne protesta pas contre cela.

Elle veut quitter le monde; elle prie le Christ.

Sous la forme d'une colombe, elle s'envole au ciel.

Prions tous qu'elle daigne intercéder pour nous,

Afin que le Christ ait pitié de nous

Après la mort et nous laisse venir à lui

Par sa clémence.

 

 

Dans "Chronologie de la littérature française", Bescherelle précise que la Cantilène figure entre un poème latin et un poème allemand du même copiste, témoignant du milieu trilingue où elle est née. Peut-être le contact avec la langue allemande, qui s'écrivait déjà à cette époque, a -t-il facilité le passage au français écrit.

Le manuscrit est conservé dans un ouvrage relié en peau de cerf, avec des traces de poils qui lui valent son nom de liber pilosus, livre poilu. Si le passage du latin parlé aux langues ronnanes s’est fait spontanément, celui de la langue romane parlée à son écriture a nécessité le savoir des clercs et l'aide des institutions religieuse et politique.

L’Eglise joue ainsi un rôle clé dans l’expansion du français en invitant les prêtres, en 813, lors du Concile de Tours, à prêcher en langue vulgaire pour être compris des illettrés. En 842, autre date décisive, les Serments de Strasbourg, qui scellent une alliance politique entre les petits-fils de Charlemagne, sont rédigés en français et en allemand.

Découverte en 1837 dans un manuscrit de la bibliothèque de Valenciennes, la Cantilène ou Séquence de sainte Eulalie est le premier texte poétique conservé qui soit rédigé en langue d'oïl. Cette langue, alors appelée « roman », est le dialecte, issu du latin, que l'on parle dans le nord de la France et qui évoluera vers le français moderne. C'est pourquoi, bien qu'elle ne compte que vingt-neuf vers et que son auteur demeure incertain, la Séquence a pris une grande importance historique, linguistique et même musicologique.

Les reliques de sainte Eulalie avaient été placées en 878 dans l'abbaye de Saint Amand, près de Valenciennes, où le manuscrit fut rédigé. La Cantilène raconte comment Eulalie, à peine âgée de treize ans, refusa de renier sa foi et subit courageusement le martyre : on la brûla, mais « elle ne brûla point » et lorsqu'on la décapita, « en forme de colombe, elle s'envola au ciel ». Voilà une vie exemplaire pour catéchiser les fidèles lors de la liturgie ! Chanté lors de la messe, entre deux alléluias, le tout premier texte en langue romane est donc totalement intégré à la liturgie : son rôle pédagogique prime sur son aspect littéraire, même si le récit se caractérise par une belle énergie narrative : beaucoup de verbes, peu d'adjectifs et des effets de surprise pour stimuler l'imagination. Dans cette lignée, on peut également citer la Vie de saint Alexis (1050) qui fournira le modèle des strophes de décasyllabes épiques pour les chansons de geste.

(1) Le dictionnaire Hachette donne cette définition de la cantilène : récit lyrique et épique médiéval d'un martyr.

    

 La chapelle de la Vierge à l'Enfant.

 

La chapelle du Sacré-Cœur.

L'ange retire son auréole par déférence et  humilité.

 

    

La chapelle de sainte Eulalie et sainte Philomène que révérait particulièrement le curé d'Ars. Eulalie signifie "qui parle bien". Philomène, "bien aimée" du grec Philumena ou "fille de la lumière" du latin Filumena.

 

 

À l'entrée d'une chapelle, la statue de sainte Thérèse de l'Enfant Jésus, affectueusement appelée la "petite" sainte Thérèse.

 

Après avoir pris ce cliché, je prends congé du prêtre de l'église Sainte Eulalie qui m'a très cordialement reçu.

 

 

     

 Il est un peu plus de 19 heures et la nuit est déjà tombée. Il est vrai que nous sommes fin octobre.

Après avoir pris ces deux clichés, je m'éloigne en pressant le pas car il me faudra plus
d'une demi-heure pour retrouver mon chez-moi.

 

 

 

 

 

 

 

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